Tuesday, March 21, 2006

Le protocole de Kyoto est appelé à la rescousse des forêts tropicales

LE MONDE | 20.03.06 | 14h55 • Mis à jour le 20.03.06 | 14h55

Nous sommes à la veille de la plus grande crise d'extinction depuis la disparition des dinosaures." Ahmed Djoghlaf ne mâche pas ses mots, alors que s'ouvre, lundi 20 mars, à Curitiba, au Brésil, la 8e conférence d'application de la convention sur la biodiversité signée en 1992. M. Djoghlaf, le secrétaire de la convention, ne fait que synthétiser une idée largement partagée par les naturalistes. Le rythme actuel d'extinction des espèces est au minimum 260 fois plus rapide que le rythme évalué depuis l'apparition de la vie sur Terre, résume Robert Barbault, du Muséum national d'histoire naturelle, dans Un éléphant dans un jeu de quilles (Seuil, 2006).


La communauté internationale a adopté en 2002, à La Haye, l'objectif de réduire en 2010 le taux d'extinction des espèces. Mais aucun acte concret n'a permis d'enrayer le désastre silencieux qui est en cours, particulièrement dans les forêts tropicales. Face à l'impuissance de la convention sur la biodiversité, de nombreux experts et diplomates s'intéressent aux dispositifs créés par le protocole de Kyoto sur le climat.

Ce sera un des principaux sujets de discussion à Curitiba. En effet, à travers le "mécanisme de développement propre", le protocole de Kyoto commence à injecter dans la lutte contre le changement climatique le nerf de la guerre, à savoir l'argent. Des entreprises des pays du Nord peuvent ainsi se voir créditer les émissions de gaz carbonique qu'elles évitent en investissant dans des procédés propres dans les pays du Sud. Ces crédits seront valorisés dans quelques années.


BIO-SÉQUESTRATION DU CARBONE


Dans la mesure où les forêts fixent le gaz carbonique, elles pourraient participer à ce système. L'hypothèse a été étudiée dans un colloque qui vient de se tenir sous l'égide de l'Unesco, à Paris.

"C'est un enjeu majeur, dit Guy Reinaud, de l'association Pro Natura International. Si on ne paye pas pour protéger les forêts, on va perdre leur biodiversité en cinquante ans. Par ailleurs, la déforestation influe sur le changement climatique, puisqu'elle représente près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre."

Le principe est donc simple : en échange de crédits de CO2, des entreprises financeraient des projets de reboisement ou de prévention de la déforestation. Mais elles sont pour l'heure peu incitées à le faire : "Les projets forestiers sont aujourd'hui plus coûteux à mettre en place que la réduction des émissions de gaz dans des installations industrielles", dit Benoît Bousquet, de la Banque mondiale.


Pour rendre la bio-séquestration du carbone plus attractive, "il faudra combiner plusieurs objectifs", estime Natarajan Ishwaran, directeur de la division des sciences écologiques de l'Unesco : "réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi protection de biodiversité, production de biocarburant et développement local."

Les pays forestiers sont de plus en plus intéressés par cette formule et ont lancé une initiative dans ce sens lors de la conférence de Montréal sur le climat, fin 2005. L'Unesco espère pouvoir faire bientôt démarrer plusieurs projets pilotes, notamment en Amazonie.

Hervé Kempf
Article paru dans l'édition du 21.03.06

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